L’entreprise a besoin d’un foyer, mais doit-il être luxueux ?
Il est naturel et essentiel pour tout-un-chacun d’avoir un lieu où vivre. On l’appelle « sa maison » alors que, le plus souvent, on vit dans un appartement ! De même, pour le chef d’entreprise, son premier mouvement est de chercher des locaux pour y travailler, recevoir ses clients, en un mot « s’installer ».
Un gros investissement dans des locaux commerciaux conduit à la faillite
Il y a bien des années, quand j’avais mon commerce, mon fournisseur de fruits et légumes, un leader dans la région depuis des dizaines d’années a décidé de s’agrandir en changeant de locaux. Le père avait monté l’entreprise dans un vieux quartier de Lausanne. Les locaux étaient vétustes mais peu coûteux. Quand les fils ont repris la succession, cette situation est devenue intolérable pour eux. Ils ont donc fait construire près d’un nœud autoroutier une très grande halle réfrigérée, le nec plus ultra.
A peine une année plus tard, l’entreprise faisait faillite. Pourquoi ? Les chefs d’entreprise avait fait un faux raisonnement. Ils pensaient que les anciens locaux empêchaient le développement du CA. La construction de nouveaux locaux plus vastes et ultramodernes donnerait un coup de fouet au CA. Des banques suivirent et accordèrent les fonds.
Mais, les frais de structures augmentèrent considérablement avec en plus une très forte charge d’intérêts lié à l’endettement. L’augmentation de CA ne suffisait pas. Les frais avaient augmenté trop vite. L’entreprise fit faillite.
Trop s’occuper de s’installer et oublier d’acquérir des clients
Un fonctionnaire désira se mettre à son compte et créa une SA pour cela (cela faisait plus sérieux : première erreur !). Sa première préoccupation fut de trouver de beaux locaux avec vitrine dans une rue très passante et demanda un bail commercial le plus long possible.
Pour faire bonne impression sur ses clients, il a choisi de dépenser un loyer considérable pour l’esbroufe et exigea un bail commercial de longue durée. Sa 2e erreur, la plus grande ! Contracter un bail commercial de 3’000.- par mois sur 5 ans, c’est contracter une dette de 180’000.- !!! On peut toujours se dire qu’on va trouver un autre locataire qui reprendra le bail. Mais dans cette opération, on est à la merci du bailleur qui peut sans raison refuser tous les candidats que l’on présente. Cela ne fonctionne pas comme un bail privé pour un appartement !
Dans un bail commercial, je dis toujours : vous êtes marié avec le propriétaire ! Vous ne pourrez pas vous en départir facilement, vous risquez bien de devoir continuer à payer même après la fin de votre entreprise. Les propriétaires, en effet, mettent souvent le gérant ou l’administrateur de la société caution solidaire à titre personnel pour le paiement des loyers. Le bail est au nom de la société, mais en cas de défaut de paiement du loyer, le propriétaire peut alors poursuivre directement le gérant ou l’administrateur caution solidaire !
Mais la 3e erreur, la plus grave est à venir : ce chef d’entreprise dispendieux avait fait un faux raisonnement : il croyait qu’avec de beaux locaux, biens situés et biens équipés, les clients afflueraient. Il mit quelques annonces dans la presse et attendit. Les clients ne vinrent pas et il fit faillite !
Les locaux sont souvent un piège financier ! Alors je vous repose la question : est-ce indispensable ? est-ce utile ?
Une structure légère et un démarrage en deux phases
J’ai rencontré cet entrepreneur tout au début de mon activité d’accompagnement. Je découvris un homme d’un peu plus de 30 ans, marié avec une fille. Il m’expliqua qu’il ne supportait plus son travail d’ouvrier dans une usine, le bruit, les horaires et souhaitait lancer son affaire. Immédiatement je vis en lui un homme résolu.
Economiser avant de démarrer plutôt que s’endetter
Il voulait monter un garage spécialisé dans la pose de pneus. Depuis quelques années, il économisait pour financer son démarrage. Pour lui, sa stratégie était claire : il garderait son emploi et démarrerait en activité indépendante accessoire.
Il trouva un local dans sa région en pleine campagne, acheta avec ses économies quelques pneus et les machines indispensables, le minimum pour démarrer et se lança. Il ouvrait son garage le soir et le weekend. Il décida d’attaquer sur les prix en faisant des tous-ménages dans sa région et surtout en mettant en ligne un site Internet.
Les premiers clients vinrent avec les premiers ennuis. Des concurrents locaux commencèrent à s’intéresser de près à son cas. Ils ne supportaient pas qu’il fasse de meilleurs prix et s’installe sur « leur » territoire. Ils essayèrent de faire intervenir leur association faîtière. Il reçut un courrier d’intimidation et m’appela. Je l’encourageai à tenir bon et à ne pas céder à ces pressions inadmissibles.
Il continua et reçu la visite d’un inspecteur de l’établissement cantonal d’assurance incendie. Il était convaincu qu’une « âme charitable » avait opportunément averti cet établissement. Le constat fut radical : les locaux n’étaient pas conformes. Il devait soit investir un montant important soit arrêter. Il m’appela pour me raconter toute cette histoire. Pas besoin de l’encourager. Il savait que son affaire tenait la route et ces manœuvres ne firent qu’une chose : le rendre plus déterminé encore.
Accepter de partir petit et manifester de la détermination
Il trouva un autre local, conforme celui-ci et s’acharna. Durant une bonne année, je n’eus plus de nouvelle. Ensuite il m’appela pour que je passe.
J’eu de la peine à trouver son garage tellement il était perdu en rase campagne, un coin vraiment perdu ! Je vis notre entrepreneur très fier de me montrer « son » garage, m’annoncer qu’il venait de quitter son travail et qu’il avait engagé un ouvrier. Son site Internet faisait des milliers de visites par mois et il recevait de nombreuses commandes de l’étranger. Il envoyait les pneus par camion.
Non seulement son stock de pneus était payé avant même que la saison commence, mais il avait obtenu la distribution exclusive de plusieurs marques de jantes spéciales et très recherchées. Il me dit même que sa banque l’avait appelé plusieurs fois, voyant le cash sur son compte, pour savoir s’il n’avait pas besoin d’un crédit !!!
Son démarrage en deux phases fut une réussite. Il avait atteint son objectif : quitter son emploi insatisfaisant et avoir une affaire qui le passionne et qui fasse vivre sa famille.